Pour notre deuxième Underground Session parisienne, le Régal, nous avons réuni une équipe d’intervenants de l’univers du fooding dans un des bars les plus cool de la capitale : le Syndicat. Animée par Alice Zagury, fondatrice de TheFamily, la conversation a réuni Charles Znaty, co-fondateur de Pierre Hermé Paris, Sullivan Doh, co-fondateur du Syndicat, Emmanuel Rubin, journaliste gastronomique Figaro et BFM, co-fondateur du Fooding, et Anissia Tcherniaeff, Country Manager pour la France, Menu Next Door.
L’expérience est-elle au cœur du renouveau de la scène culinaire ?
Alice lance le débat sur la question de l’expérience. Pour elle, le produit n’est plus l’élément le plus important dans l’aventure du fooding. Menu next door en est le parfait exemple : comme l’explique Annissia, le cœur de la stratégie de cette start-up, c’est l’humain. Le principe ? Mettre en relation des passionnés de nourriture : du chef qui vend ses petits plats au voisin qui est séduit par un menu et une idée. C’est un vrai renversement des habitudes qui s’opère grâce aux nouvelles technologies. Menu next door est né à Bruxelles, sans aucun site Internet ; c’est grâce à whatsapp que le projet se fait connaître et que 50 000 plats sont échangés avant même que la plate-forme ne voit le jour. Aujourd’hui, le projet aide à la fois des chefs à assouvir leurs ambitions (de 10 à 15 % des chefs ouvrent leur restaurant grâce au réseau créé sur la plate-forme) et des cuisiniers passionnés à partager avec les habitants de leur quartier.
L’expertise est-elle une chose du passé ?
Charles Znaty nous raconte sa rencontre avec Pierre Hermé et le début de leur aventure internationale. Récemment élu meilleur pâtissier du monde, Pierre Hermé est un véritable artiste de la pâtisserie. Il n’improvise pas : chaque gâteau, chaque pâtisserie, raconte l’histoire qu’il a composée et Charles tombe sous le charme. Mais ce qui fait le succès de la marque, c’est le duo qu’ils forment tous les deux, entre un chef passionné et un entrepreneur qui l’aide à donner vie à la marque, à la pérenniser. Le secret n’est pas seulement de faire, c’est de savoir faire faire. Le chef peut disparaître, ses équipes sauront prendre le relais.
Pour Emmanuel, l’expertise n’est pas morte. La qualité est toujours essentielle à la réussite d’un projet fooding. Mais la scène a évolué, sans aucun doute. Quand il lance le fooding, en 1999 (néologisme alliant food et feeling), la gastronomie prend un nouveau tournant en France. Une nouvelle génération de chefs qui en a marre séduit un public lassé aussi de la vieille garde française. Le fooding, c’est toute une époque qui s’incarne dans un mouvement : la nourriture devient un élément de la pop-culture comme un autre. Les métiers de la bouche sont revalorisés, les blogs naissent, les idées fleurissent.
Comment réussir dans son projet de fooding aujourd’hui ?
Pour Emmanuel, Charles et Romain (du Syndicat), il n’y a pas de secret : c’est le travail d‘équipe qui doit primer. Les barrières à l’entrée se sont affaissées : les difficultés rencontrées auprès des banques par Hermé pour le lancement de la première boutique parisienne en 2011 semblent (presque) de l’histoire ancienne. Mais le risque de la multiplication des projets, des modes de financement et des plates-formes, c’est l’amateurisme. Emmanuel met en garde contre ces projets lancés trop vite, sans vraie passion ni préparation : la génération Top Chef ne doit pas croire aux succès trop faciles.
Aujourd’hui, un projet d’entreprenariat doit être comme un groupe de musique qui réunit de nombreux talents. Un créatif associé à un financier, à un expert de l’immobilier et des affaires (comme Romain après son école de commerce), à un story-teller comme Charles qui donne vie à une histoire, etc.
Deliveroo, take it easy : les nouvelles technologies permettent de décupler les audiences. Qu’en pensent nos interlocuteurs ?
Pour Emmanuel, c’est une tendance lourde qui n’est pas prête de disparaître. Mais les restaurants ne sont pas forcément prêts à suivre la cadence et les livreurs pas nécessairement formés. L’avenir ? De nouveaux restaurants qui ouvriront leurs portes en prenant en compte ces contraintes (avec une cuisine dédiée aux livraisons, par exemple). Charles est d’accord : Hermé aussi devra s’y mettre, le public veut de l’instantané et les marques doivent l’accepter.
Et Emmanuel de conclure la conversation : ce qui compte aujourd’hui, c’est d’allier le savoir-faire (une expertise, une culture commune), le faire-savoir (difficile de se passer des médias et des réseaux sociaux) et le faire faire (sans équipe alliant des compétences, un projet a de grande chance de s’effondrer).
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