Alors que la vente en ligne ne cesse de prendre de l’ampleur par rapport aux boutiques physiques, les retailers traditionnels se doivent de créer des lieux inspirants et mémorables pour donner à leurs clients une bonne raison de se passer d’Amazon Prime.
Les marques se tournent de plus en plus vers les commissaires d’exposition pour rendre leurs points de vente plus attirants. Confier le design de la boutique à un artiste, accrocher un chef-d’œuvre au mur... Tout est possible pour susciter la curiosité et capter l’attention des clients.
Bella Cramer est la co-fondatrice de Cramer and Bell, une agence de conseil spécialisée dans la recherche des œuvres d’art qui viendront décorer restaurants et boutiques de prêt-à-porter. Nous lui avons demandé ce que les retailers peuvent apprendre du monde de l’art et pourquoi les marques ont intérêt à adopter le regard d’un commissaire d’exposition.
Vous avez ouvert votre agence il y a un an : quelle est votre mission ?
Nous voulons combler l’écart entre le monde de l’art et nos clients. Le monde de l’art peut être difficile à appréhender, donc nous voulons simplifier au maximum la vie de nos clients, qu’ils soient restaurateurs, hôteliers ou retailers. Nous avons constitué une large base de données composée d’artistes et de collectionneurs et nous nous occupons de chaque étape, de la recherche des œuvres à leur installation dans l’espace. Nous nous sommes lancés car nous croyons qu’une œuvre d’art peut transformer n’importe quel lieu.
Pensez-vous que les marques sous-estiment le potentiel de l’art ?
Absolument. Exposer des œuvres d’art reste une pratique très “niche” donc beaucoup de marques n’en voient pas l’intérêt. Mais aujourd’hui, il y a tant de boutiques en concurrence avec le commerce en ligne qui a explosé ces dernières années. Il faut penser différemment et créer des espaces plus vivants dans lesquels accueillir ses clients, des boutiques plus surprenantes. L’art peut être un allié de choix pour y arriver. Récemment, nous avons travaillé avec Cecconi’s, un restaurant italien à Soho, à Londres. Ils voulaient trouver des posters des années 60. C’est un bon exemple pour illustrer la manière dont les marques peuvent améliorer l’expérience de leurs clients dans leurs adresses physiques. Nous avons trouvé ces posters et ils renforcent la crédibilité du restaurant et son identité de marque.
Les consommateurs britanniques manquent de temps et d’argent, ils préfèrent acheter rapidement et facilement. Remarquent-ils vraiment les œuvres accrochées aux murs ?
Certes, les consommateurs ont besoin de choix et d’une expérience d’achat simple, mais ils s’attendent de plus en plus à être inspirés par les lieux. Des boutiques comme le concept-store Dover Street Market à Londres ont compris qu’il est essentiel d’offrir une expérience shopping plus dynamique et l’art les y a aidés. Il ne suffit plus de dire aux clients : “Voici des vêtements, s’il vous plaît, achetez-les.” La boutique doit se vivre, sans quoi les gens ne reviendront pas.
Que se passe-t-il lorsque les clients voient les œuvres d’art ?
Les œuvres d’art peuvent raconter l’histoire de votre marque, et la découvrir engage les clients. Ils en discutent, ils en débattent. La marque de vêtements Paul Smith fait beaucoup de collaborations avec des artistes dans ses boutiques, et cela crée un vrai buzz car le résultat est fantastique. Apple a aussi accroché des œuvres aux murs de ses boutiques, réalisées à partir de photos prises à l’iPhone. Cela donne un côté authentique à la marque, et cela crée un lien émotionnel avec les utilisateurs grâce au storytelling. Je dirais que les œuvres d’art améliorent l’humeur, elles dynamisent ceux qui les regardent. Elles peuvent être très inspirantes à voir et déclencher plus facilement l’impulsion d’achat.
Pensez-vous que de plus en plus de marques vont laisser le contrôle de leurs boutiques à des acteurs du monde de l’art ?
Entrer dans une galerie d’art peut être une expérience intimidante, donc faire venir l’art à la rencontre des clients dans des boutiques situées sur des rues passantes est bénéfique pour tous. Les marques devraient songer à repérer des artistes émergents et à les inviter à sélectionner et à exposer leurs travaux dans leurs points de vente. Nous en sommes encore loin mais il serait intéressant de le faire dans des supermarchés car les gens seraient vraiment surpris. J’étais au Chelsea & Westminster Hospital récemment et ils ont des centaines d’œuvres exposées sur place grâce à leur fonds d’art. Cela apportait de la chaleur à cet environnement médical et je m’y suis sentie bien. Si la grande distribution, comme Tesco, pouvait faire la même chose, l’effet serait très positif.
Traduit par Clémence Gruel