Pourquoi les lieux et clubs réservés aux femmes connaissent un tel succès ?
7 mars 2018
De New York à Paris, comment les espaces réservés aux femmes deviennent partie intégrante du monde du travail et du retail ?
Le mois dernier, The Wing a lancé son 3ème coworking à New York. L’ouverture de cette sublime branche de 930 m2 dans le quartier branché de Dumbo - Brooklyn, fait suite à celles de deux espaces à Manhattan et précède celles imminentes de Washington, Los Angeles et San Francisco. Ces endroits génèrent beaucoup de buzz et d’attention, mais qu’ont-ils de si spécial ? La même chose que Mona, la maison où My Little Paris a passé l’automne à organiser des événements et ateliers : les femmes ! Tous ces lieux leurs sont réservés.
Et il n’y a pas que dans l’Amérique du #MeToo que les espaces réservés aux femmes sont en plein boom. À Paris, il y a Paris Pionnières, l’incubateur destiné aux plus innovantes et créatives des working girls. À Londres, le luxueux Allbright Club - réservé aux femmes d’affaires et du monde - renferme des salles de réunion et de soins et ouvre ses portes aujourd’hui (pour la Journée Internationale de la Femme, le 8 mars), alors que Brighton a déjà son One Girl Band : un collectif de soutien pour entrepreneures. À Sao Paulo, on trouve Feminaria, le premier coworking 100% féminin du Brésil. Il existe même un réseau international féminin : l’accélérateur HeraHub, présent à différents emplacements aux USA et en Suède.
« Ce qui est intéressant, c’est surtout la communauté qui naît dans l’espace. L’aspect commode du lieu est important mais aussi le fait de favoriser les rencontres » a expliqué Lauren Kassan, co-fondatrice de The Wing dans une interview au UK Business Insider.
Leur première ouverture à Flatiron a eu lieu juste avant la victoire de Donald Trump face à Hillary Clinton à l'élection présidentielle américaine de 2016. Suite à cela, les adhésions ont décollé en flèche. « On entrait dans l'âge d'or des femmes au pouvoir, chacune d’entre elles voulait avoir son espace », explique Audrey Gelman, PDG de The Wing, au UK Business Insider. Les standards ont ensuite été assiégés par des femmes de toutes professions, pas prêtes à baisser les bras. Depuis, The Wing a obtenu un financement de série B de 32 millions de dollars, orchestré par WeWork. Sa liste d'attente s’élève à plus de 8 000 personnes.
En Angleterre, l'Allbright Club prendra ses quartiers dans une maison de l’élégant quartier londonien de Bloomsbury. Il tient son nom de la première secrétaire d'État des États-Unis, Madeline Albright, et est une extension du Allbright Fund and Academy qui veut fournir aux entrepreneures un écosystème collaboratif pour soutenir leur business. À une heure de train de là, le collectif et coworking One Girl Band, fondé en 2015 à Brighton, est devenu une sorte de case départ, par laquelle passent de nombreuses habitantes de la ville.
« C'est une base pour aider les femmes à se sentir à l'aise, soutenues et en position de force, a déclaré sa fondatrice Lola Head à The Pool. J'ai rencontré des femmes qui ont l'impression d’être dominées par les hommes dans les lieux mixtes et peuvent se sentir intimidées par la culture de bureau plutôt masculine. Notre mission n'est pas de ne jamais laisser un homme entrer ici mais de créer un espace où les femmes peuvent être elles-mêmes à 100%. »
Les espaces de travail réservés aux femmes n’ont pas pour but de dire non aux hommes mais de dire oui aux femmes. Faire cette distinction a des résultats que l’on remarque notamment chez les enfants : en 2016, des recherches effectuées en Angleterre ont montré que 75% des filles ayant fréquenté une école non mixte atteignent les meilleures grades au GCSE (l’équivalent du brevet des collèges), contre 55% dans les écoles mixtes.
Les salles de sport sont un autre terreau fertile où fleurissent les espaces réservés aux femmes. À Paris, l’appartement healthy Chez Simone propose des cours, activités et une diététique, destinés à aider sa clientèle féminine à se sentir bien et forte. À Bordeaux, ElleFit est exclusivement réservé aux femmes qui souhaitent s’exercer à l’aise, sans subir le regard des hommes. À Londres, il y a Grace Belgravia, qui inclut une clinique, et à New York, la salle de fitness Uplift et le Women's World Of Boxing. Ce dernier est le premier club de boxe entièrement féminin de la ville et propose des programmes pour les adolescentes et offre à ses membres un espace sécurisé et stimulant.
La question qui se pose de plus en plus dans les lieux réservés aux femmes est celle de la présence transgenre. Le célèbre étang de Hampstead Heath, à Londres, a récemment fait l'objet de controverses en décidant d'accueillir les transgenres. Le groupe féministe radical Mayday 4 Women a distribué des tracts disant : « Les hommes ont déjà accès à deux étangs ici : l'étang pour hommes et l'étang mixte. Pourquoi devraient-ils avoir accès à un troisième ? »
Cette question complexe se posera jusqu'à ce que la société se soit décidée au sujet des personnes transgenres. Mais, à l'ère de la laborieuse marche vers une plus grande parité, cela n'arrêtera pas la montée en puissance des espaces réservés aux femmes, qui visent avant tout l’émergence d’un groupe d’individus forts et productifs, indépendamment de leur sexe.