Johannes Quodt et Chris Wichert, les deux Allemands rois des baskets, se sont rencontrés pendant leurs études à l’école de commerce de Wharton. C’est au cours d’une séance shopping à Manhattan en 2014 que naît leur idée de baskets « anti-luxe » fabriquées en Italie – après être tombés sur une paire de Louis Vuitton à 1 000 $ dans une boutique prétentieuse. Ils se sont alors demandé comment proposer une marque de superbes produits en cuir abordables pour une génération qui accorde de plus en plus d’importance à la qualité.
Ils se sont donc lancé une mission : créer la chaussure en cuir parfaite, qui allie le côté pratique des baskets à l’exigence du luxe. Tous les deux issus du monde de la finance, le duo s’est lancé dans l’industrie de la mode new-yorkaise pour établir un réseau de conseils impressionnant et ont parcouru toute l’Italie pour trouver le meilleur fabricant possible. En 2015, ils lancent la marque avec leur premier pop-up, écoulant leur première collection en quelques heures. Nous avons rendu visite à Johannes et Chris dans leur nouvelle galerie dédiée aux baskets en plein cœur de SoHo, à New York, pour découvrir les secrets de fabrication d’une marque ultra-populaire.
D’où vient le nom « KOIO » ?
Chris : « KOIO est un jeu autour du terme italien « cuoio », qui veut dire cuir. C’est un hommage à nos racines : notre production est entièrement basée en Italie et tous nos produits sont en cuir. Il nous semble essentiel de créer une marque authentique, véritable reflet de ce travail.
Beaucoup de choses nous frustrent chez les grandes marques de luxe ; leur présence offline est bien plus importante qu’en ligne ; le service client est souvent très impersonnel ; et le prix d’accès est inabordable. Avec KOIO, nous voulions proposer une marque de produits en cuir plus abordable, accessible et personnelle. »
Aucun de vous n’aviez d’expérience dans la mode avant de vous lancer. Ce n’était pas un problème ?
Johannes : « Quand nous habitions encore en Allemagne, nous passions notre temps à économiser pour pouvoir nous acheter des baskets de luxe. Nous avons toujours été fascinés par ce produit et nous nous sommes jetés à l’eau. Chris travaillait chez JP Morgan et moi chez McKinsey : nous savions tous les deux comment produire une énorme quantité de travail pour obtenir un maximum de résultat en très peu de temps. Nous avions l’habitude d’abattre du travail, et c’est cet état d’esprit qui nous a animés avec KOIO.
On a commencé par la recherche : du travail sur nos premiers croquis à la quête du fabricant pour réaliser notre premier prototype de baskets à New York. Nous sommes ensuite partis en Italie pour trouver le meilleur fabricant. Tout s’est fait étape par étape, et nous sommes restés motivés pour avancer rapidement – c’est comme ça que nous avons pu créer un produit qui a été très bien reçu dès le lancement. »
Chris : « Nous tenions aussi à atteindre les bonnes personnes aussi vite que possible. Nous avons contacté des professeurs de chaussures chez FIT et Parsons (deux écoles de mode new-yorkaise) et avons passé de nombreuses heures avec eux à apprendre comment fabriquer une chaussure. Nous avons ensuite voulu rencontrer des personnes qui avaient réussi dans le monde de la vente directe et des start-ups, comme Neil Blumenthal de Warby Parker. Ces personnes nous ont présenté les membres de leurs réseaux et c’est comme ça qu’on a pu créer notre propre réseau de conseillers. »
À quel moment vous êtes-vous dit : « ça pourrait vraiment marcher » ?
Johannes : « Quand on a trouvé nos fabricants italiens. L’usine avec laquelle on travaille à Civitanova est une entreprise familiale qui travaillait en exclusivité pour Chanel. Nous sommes la seule autre marque à travailler avec eux. Réussir à les convaincre de nous suivre sur ce projet nous a donné la confiance nécessaire pour lancer notre produit sur le marché.
Nous avons visité 34 usines différentes pendant un mois avant de trouver la perle rare. Leur usine ressemble presque à un labo de R&D – elle est superbe – et les chaussures qu’ils fabriquent sont d’une qualité vraiment exceptionnelle. Ils peignent à la main les bords du cuir de chaque chaussure, ce qui est en général plutôt réservé aux sacs à main. »
Pourquoi avoir choisi de vous lancer à New York et pas à Berlin ?
Chris : « New York lance les tendances et le monde regarde. Nous avons beaucoup d’amis en Europe qui s’intéressent à ce que nous faisons et veulent nos chaussures, mais nous ne sommes pas encore prêts à livrer en Europe – ce qui est probablement un avantage. Nous sommes de plus en plus connus en tant que marque new-yorkaise, ce qui ne fera qu’augmenter la demande.
Le marché des baskets est assez fascinant et croît à une vitesse phénoménale. Les baskets seront bientôt en première place dans la garde-robe de la plupart des gens. Nous voulions concevoir une chaussure polyvalente, qu’on pourrait porter en toute circonstance – pour se promener en ville, aller au bureau ou sortir. New York est l’endroit idéal pour ce genre de marque. Nous ciblons cette faune urbaine ultra-motivée qui a vraiment besoin de chaussures de qualité au quotidien. »
Vous avez récemment décidé de changer de positionnement : de chaussures Hommes vous êtes passés à l’unisexe. Pour quelle raison ?
Johannes : « Pour le lancement, nous avions produit quatre modèles en taille Homme, mais dès l’ouverture ce sont les petites tailles qui ont été achetées en premier – et pas par des hommes. Nous avons vite compris qu’il fallait aussi proposer des tailles pour les femmes.
Nous avons donc proposé des tailles pour Hommes et Femmes, avec des teintes spécifiques à chaque groupe. Mais les hommes ont commencé à demander les couleurs des femmes, et vice et versa. Donc maintenant on est plus ou moins 100 % unisexe et ça nous va très bien. Personne ne veut être mis dans une case ou qu’une marque leur dise ce qu’ils devraient porter. »
Chris : « Nous nous sommes rendu compte que les femmes se plaignaient des autres marques qui réservaient leurs modèles cools aux hommes. Si elles créent un modèle féminin, c’est souvent très fifille. Et c’est ce que nous voulions éviter. »
KOIO a ouvert plusieurs pop-up stores et des corners dans d’autres magasins. Quel bilan en tirez-vous ?
Chris : « Nous utilisons les pop-up stores depuis les débuts de la marque. Nous avons commencé par des week-ends pour essayer plusieurs quartiers ou espaces, et nous avons constaté que ça plaisait à nos clients. En voyant et en touchant les chaussures, ils ont vraiment envie d’acheter. Le bilan de tout ça ? On aurait dû commencer plus tôt ! »
Johannes : « Notre nouvelle galerie de baskets dans SoHo est une expérience immersive. Le pop-up store est rentable depuis le premier jour. En ouvrant un espace pour une durée plus longue, nous avons pu répartir notre charge de travail et profiter d’une meilleure couverture médiatique. Les gens qui travaillent dans le quartier mettront peut-être 3 ou 5 semaines à réaliser que notre boutique a ouvert. »
Vous avez aussi organisé de nombreux événements dans votre espace de vente. Comment est-ce que ça a aidé votre marque ?
Johannes : « Nous organisons des événements toutes les semaines, ou presque, en collaboration avec d’autres marques, des créatifs et des artistes qui partagent notre ADN. Pour nous, nous associer avec le tatoueur JonBoy notamment offre beaucoup plus de profondeur à la marque. »
Chris : « Si vous voulez créer une nouvelle marque, il n’y a pas non plus des milliers de choses à raconter sur le design et l’artisanat derrière le produit. Ce que les gens recherchent, c’est l’expérience et c’est ce que nous voulons leur offrir avec KOIO. »