Les 5 règles d’une collaboration réussie entre marques et artistes
9 Oct 2018
Développer sa crédibilité auprès de ses clients, aider de nouveaux talents à émerger, prendre position sur une question de société, faire parler de soi, inscrire son nom dans l’histoire de l’art… Les raisons qui conduisent une marque à soutenir le travail d’un artiste sont multiples. Et l’intérêt des entreprises privées pour cette pratique ne cesse de croître : aux États-Unis, les dépenses annuelles de mécénat culturel dépasseront pour la première fois le milliard de dollars en 2018.
Mais travailler ensemble ne s’improvise pas. Co-développement de produits, sponsoring d’expositions, reproduction d’œuvres… quelle que soit la forme choisie, voici les règles d’une collaboration à succès.
1. Collaborer, pourquoi faire ?
Avant même de se plonger dans les portfolios de talents émergents, ou de faire appel à un consultant en art, il est essentiel de s’interroger sur les raisons d’un partenariat avec un artiste. Les formes de collaboration possibles sont infinies et pour une marque, choisir la bonne formule implique d’identifier clairement les objectifs d’un tel projet. S’agit-il de se faire connaître auprès d’une audience plus jeune ? Dans ce cas, mieux vaut développer un produit en collaboration avec un artiste apprécié de cette cible plutôt que de sponsoriser la prochaine biennale de Venise. Et Gucci ne s’y est pas trompé. En faisant appel à Trevor Andrew pour imaginer une collection streetwear, ou à Ignasi Monreal pour illustrer une ligne de t-shirts et de sweat-shirts en édition limitée, la marque de luxe a gagné le cœur des centaines de milliers de followers des deux artistes, pour la plupart millenials, sur Instagram.
2. Faire passer le message
La rencontre d’une marque et d’un artiste présente un risque majeur : transmettre un message confus à leurs audiences respectives. Masters, la collection lancée en 2017 par Louis Vuitton en collaboration avec Jeff Koons, a ainsi suscité une controverse avant même d’être disponible en boutique. L’artiste a revisité sacs, bagages et accessoires en y faisant imprimer les reproductions des tableaux les plus célèbres de Van Gogh, De Vinci ou encore Rubens. Le sens de la collaboration n’a pas été compris par tous les fans de la marque, déroutés par l’esthétique des sacs. S’agit-il de chefs-d’œuvre ou d’articles dignes d’une boutique de souvenirs ? Jeff Koons a-t-il cherché à interroger le tourisme culturel de masse, ou à profiter de la popularité des œuvres en question pour assurer le succès commercial de la collaboration ? Une chose est sûre : à défaut de transmettre un message clair, la collection a gagné l’attention de la presse.
3. Penser à long terme
Plutôt que de collectionner des œuvres existantes, les marques choisissent aussi d’accompagner les artistes sur la durée, dans leur travail au quotidien ou le développement de leur carrière. Commander des œuvres, sponsoriser des projets d’expositions, mettre à disposition un atelier ou offrir une plus large visibilité sont autant de manières de soutenir les artistes émergents. À ce titre, les Galeries Lafayette font figure d’exemple avec l’ouverture au printemps 2018 de Lafayette Anticipations, fondation d’intérêt général dédiée à l’art contemporain. Ici, il ne s’agit pas uniquement d’exposer les œuvres mais d’offrir aux artistes toutes les ressources nécessaires à leur création. Un atelier de 400 m2 a en effet été aménagé et accueille les artistes pendant la préparation de leurs expositions à la fondation. De l’idée à la rencontre avec le public, tout est possible entre ses murs.
4. Refuser l’appropriation
Lorsque financer la production ou l’achat d’une œuvre n’est pas envisageable, marques et artistes peuvent collaborer en reproduisant une œuvre existante. Mais en la matière, rien n’est plus néfaste pour l’image d’une marque que de détourner le travail d’un artiste, d’autant plus si ce dernier n’a pas donné explicitement son accord. H&M l’a appris à ses dépens. En 2018, la marque a lancé une campagne publicitaire dans laquelle figurait une œuvre de street art réalisée par REVOK, sans l’autorisation de ce dernier, et sans lui avoir versé des droits d’auteur pour l’exploitation de son œuvre. Sur l’affiche, un mannequin porte les vêtements de la marque suédoise et pose devant un mur recouvert d’un graffiti de l’artiste. L’avocat de REVOK a adressé une lettre de mise en demeure à la marque, pour obtenir le retrait des affiches. En guise de réponse, H&M a assigné l’artiste en justice et refusé d’interrompre sa campagne, déclenchant la colère de la communauté street art, particulièrement vive sur les réseaux sociaux. Si le débat sur l’appropriation de cette œuvre par H&M reste ouvert, la reproduction d’une œuvre d’art se doit d’être réalisée en toute légalité.
5. Ne pas oublier le public
L’art prend tout son sens face à un public, aussi pourquoi ne pas contribuer à le rendre accessible au plus grand nombre ? Les marques peuvent en effet intervenir comme sponsors auprès des musées et institutions culturelles, pour leur permettre d’offrir un accès gratuit à leurs visiteurs. La chaîne américaine de supermarchés Target a ainsi financé l’organisation de concerts, d’expositions et de performances dans des lieux tels que le LACMA. Au total, plus de 100 institutions ont bénéficié de ce programme pour offrir à leurs publics des entrées gratuites ou des tarifs réduits. De son côté, la marque japonaise de prêt-à-porter Uniqlo a conclu un partenariat avec le MoMA, grâce auquel les visiteurs peuvent accéder gratuitement à l’ensemble des collections et des expositions, chaque vendredi de 16h00 à 20h00. Pour une marque avec une audience aussi large que celles de Target ou d’Uniqlo, démocratiser l’accès à l’art est une manière efficace de communiquer sur son engagement, en plaçant ses clients au cœur d’une expérience artistique.
Par Clémence Gruel