Des épaules des agriculteurs bretons à celles des habitants des plus grandes métropoles, la veste de travail du Mont St Michel n’est pas prête d’arrêter son voyage dans le temps. La marque de workwear traverse les époques, guidée par l’œil expert de son président et designer, Alexandre Milan. Rencontre avec cet enfant de la maille pour qui le retail physique n’a pas dit son dernier mot.
En 1998, vous repreniez Le Mont St Michel. Que vous ont appris ces 20 années d’entrepreneuriat ?
Avant toute chose, il faut croire en vous et être habité par une volonté farouche de transmettre votre message. Se lancer peut prendre du temps, il faut parfois patienter pour que l’audience soit prête à vous découvrir. Et en même temps, il faut toujours préparer l’idée suivante, la prochaine étape, et planifier tout cela avec doigté.
Nous avons toujours fonctionné en autofinancement, les choses ont donc pris beaucoup de temps pour le Mont St Michel. Mais aujourd’hui, nous avons réussi à faire renaître un label sur des bases solides pour, je l’espère, affronter encore les 100 prochaines années !
Le savoir-faire artisanal transmis par vos parents influence-t-il votre travail ?
Bien sûr ! J’ai appris mon métier en commençant par l’industrie et non par le retail. Cela donne plus d’aisance pour orienter notre design et le produire tel que nous le souhaitons. Ici, tout commence par la matière, souvent un fil. Ensuite, on imagine ce que l’on pourra en faire et comment il pourra prendre place dans notre collection.
Comment remettre au goût du jour une marque centenaire sans la dénaturer ?
Il faut respecter son identité première, son essence. Nous représentons un monument très célèbre mais aussi très évocateur de sa région et de la France. Notre lien est donc assez culturel. Petit à petit, on développe de nouvelles idées, de nouvelles textures, en prenant soin à ce qu’elles s’associent avec justesse avec notre héritage. C’est une alchimie patiemment développée.
Le Mont St Michel s’est fait connaître grâce à ses vêtements de travail. Que signifie le workwear aujourd’hui ?
Le workwear du Mont St Michel est un héritage 100% authentique et 100% légitime. Il témoigne du temps jadis où les artisans et les agriculteurs s‘habillaient de façon simple avec des produits robustes. La fonctionnalité était alors le maître-mot de l’habillement quotidien.
Depuis 2012 et les 100 ans du label, Le Mont St Michel est le précurseur du renouveau de ces beaux vêtements. Nous habillons aujourd’hui une tribu transnationale, jeune, urbaine et très connectée. Notre veste de travail leur inspire authenticité, simplicité et praticité.
La maille est l’autre signature du Mont St Michel et des Tricotages de l’Aa, l’usine de tissage fondée par votre famille. À quoi reconnaît-on une maille de qualité ?
Une maille est de qualité si elle est confortable et si elle dure… À condition de ne pas porter le même pull tous les jours !
À l’heure de la fast fashion, comment convaincre ses clients avec des vêtements plus durables et plus chers ?
Je crois que les consommateurs sont un peu fatigués par toutes ces sollicitations. Alors, consommer mieux est devenu plus naturel. Comprendre que la qualité a un coût est la prochaine étape. Les vêtements Le Mont St Michel sont encore produits de façon très artisanale, en séries limitées, et cela coûte plus cher. Au moins, on est certain de ne pas voir les mêmes partout.
En plus de votre flagship rue Vieille-du-Temple, la marque est distribuée dans de nombreuses boutiques dans le monde entier. Pourquoi se développer grâce à des points de vente physiques alors que tout s’achète en ligne ?
Le web n’est pas l’alpha et l’oméga de tous les modes de distribution. Nous proposons des vêtements, il faut les essayer et aussi être séduit par eux... Certains clients achètent nos vêtements en ligne après les avoir essayés en magasin, par exemple. Pour nos métiers, le retail traditionnel a donc de l’avenir, croyez moi !
Propos recueillis par Clémence Gruel