Imaginez un futur où vous entrerez dans une boutique et saurez immédiatement où et comment chaque produit en vente aura été fabriqué. Vous comprendrez l’impact de son processus de fabrication sur la planète avant de choisir de l’acheter ou non.
C’est la vision qui anime Provenance, une start-up qui propose une plate-forme aux marques pour les aider à rendre leurs chaînes de production plus transparentes. L’idée vient de Jessi Baker, la fondatrice de Provenance, frustrée du manque d’information sur la provenance des objets de consommation. Son objectif ? Changer le commerce de manière significative en donnant accès aux données et informations nécessaires aux consommateurs.
Aujourd’hui, on a de plus en plus envie d’acheter des produits fabriqués localement avec un haut niveau de qualité. Qu’il s’agisse de questions politiques, éthiques ou environnementales, les marques cherchent de plus en plus à comprendre ce qui pousse les consommateurs à dépenser leur argent – le business model de Everlane, Patagonia et Reformation repose d’ailleurs sur ces considérations. Même les plus grandes marques commencent à prendre conscience de ces changements de la demande, avec des géants de la mode comme Zara et H&M qui lancent de nouvelles initiatives de production durable.
Mais cette « tendance » fait-elle partie d’un mouvement plus global ? Et sommes-nous loin de connaître l’impact de nos schémas de consommation sur l’environnement et le bien-être des gens ? Selon Jessi, l’évolution vers une transparence radicale dans toutes les industries – pas seulement le retail – est inévitable, mais il y a encore beaucoup de chemin à faire.
« Les produits et leurs chaînes de production sont des éléments complexes. Vous seriez surpris par le nombre de produits consommés tous les jours qui ont des liens avec des choses auxquelles vous détesteriez être associé, nous explique Jessi. De nombreuses entreprises continuent à penser que puisqu’elles ne connaissent pas la provenance de leurs produits, alors leurs clients l’ignoreront aussi. »
Quand tech rime avec transparence
En utilisant une technologie de « chaîne de blocs » pointue, Provenance offre aux organisations et aux marques un logiciel (comme elles pourraient utiliser Shopify ou Squarespace) qui les aide à connaître l’historique et la provenance de leurs produits. En équipant chaque produit – ou chaque groupe de produits – d’un « mot de passe numérique », les fabricants et les marques sont capables de prouver l’authenticité (est-ce que c’est vraiment ce qu’on pense ?) et l’origine (d’où vient-il ?) de leurs produits. Les marques peuvent alors choisir de partager ces informations en ligne grâce à un plugin ou l’afficher en boutique. Jusqu’à présent, Provenance a principalement travaillé avec des marques du secteur agro-alimentaire, notamment en utilisant leur technologie pour suivre les poissons de la mer aux rayons des supermarchés pour endiguer les problèmes d’esclavages dans l’industrie de la pêche.
« Il est important que les consommateurs choisissent de boycotter certaines marques, mais nous devons accepter que le changement doit être répercuter tout le long de la chaîne de production », explique Jessi qui a créé l’entreprise sociale en 2003. « La seule façon de le faire c’est de rendre ces données plus transparentes et plus accessibles. Nous voulons donner les moyens à chaque marque ou entreprise de trouver un format auquel tout le monde pourra faire confiance pour partager ces informations. »
Made in France
L’importance accrue attribuée à la production locale et à la décentralisation s’explique par la prolifération des petites entreprises. Pour les marques de niche, la transparence offrir une valeur ajoutée indéniable – en particulier quand les produits sont fabriqués localement.
« Les consommateurs adorent apprendre que les petites boutiques indépendantes font fabriquer leurs produits dans la région. Pour les locaux, cela apporte un sentiment de fierté, et les touristes y voient un attrait supplémentaire. Quel que soit le pays d’origine d’un pays, les clients ne veulent pas avoir l’impression de participer à l’exploitation de la main d’œuvre », explique Alison Lloyd, la créatrice dernière la marque 100 % britannique Ally Capellino. La créatrice qui fait fabriquer toutes les ceintures et les petits objets en cuir de la marque au Royaume-Uni comprend parfaitement toutes les difficultés à proposer une étiquette « Made in Britain ». « Les clients ont vraiment envie d’acheter des produits britanniques, mais cela veut dire qu’ils devront payer plus cher. La nature même de la mode est qu’elle se renouvelle en permanence, ce qui veut dire que les usines ont du mal à suivre la cadence. »
Si les petites marques indépendantes font preuve de transparence sur leurs processus de fabrication, cela sert non seulement d’exemple au reste de l’industrie mais leur offre aussi un atout indaniable pour se démarquer sur un marché saturé.
« J’ai lancé Henri London en choisissant de placer la production locale au cœur de ma stratégie, ce qui m’a permis de faire la différence dès le début. C’est plus difficile pour les grandes marques de changer toutes leurs pratiques de production uktra-intégrées d’un seul coup », affirme Henriette Adams, qui a lancé sa propre ligne il y a un an. « Il est évident que les pièces Henri London sont « Made in London ». Nos étiquettes et notre packaging l’indiquent clairement. Nous en parlons sur les réseaux sociaux et sur notre site. C’est quelque chose dont nous sommes très fiers parce que ça ajoute de la valeur au produit tout en soutenant l’industrie et les emplois locaux. »
Gare à la publicité mensongère
Si les entreprises établies ont prospéré à un âge où la publicité était reine et où l’on vendait des produits en racontant une histoire très éloignée de la réalité, les temps changent.
« Aujourd’hui, c’est votre entreprise elle-même qui offre le meilleur outil de communication, ce qui semble encore illogique pour beaucoup d’entreprises », ajoute Jessi. « Il est tout à fait normal d’utiliser la transparence pour promouvoir votre travail, mais faites attention à la véracité de ce que vous avancez. Vous prenez le risque de vous vendre comme une marque locale alors que vous ne l’êtes pas du tout. »
Elle utilise l’industrie de la bière comme exemple : si une petite brasserie locale est rachetée par un gros groupe, mais continue à vendre sa bière comme une production locale, qu’est-ce qui le prouve ?
« C’est assez fou d’acheter un produit parce qu’on fait confiance à ce qu’on nous dit. Pour la nourriture, on ne le ferait pas et je pense que ça devrait être la même chose pour la provenance et la fabrication d’un produit. Tant que les consommateurs n’auront pas les outils nécessaires à leur disposition pour répondre à ces questions à l’aide de données, la transparence restera un outil marketing à sens unique. »
Mais ce qui compte, c’est que l’époque où personne ne s’intéressait à la provenance d’un produit est révolue. Même si l’on ne sait toujours pas grand chose à propos des objets que l’on achète, le futur du retail sera transparent ou ne sera pas.
Article de Lisa Roolant