D’une marque de t-shirt de lycéens à un collectif international

2 mai 2017

Quand votre travail attire l’attention des directeurs créatifs de Nike et se retrouve sur les mood boards du monde entier, vous savez que vous n’avez pas perdu votre temps. Pour John « Sunshine » (un surnom de lycée) Margaritis, c’est la consécration de son statut d’artiste multidisciplinaire.

New York Sunshine

John, quelques amis proches et des membres de sa famille sont derrière New York Sunshine : le collectif au croisement de la mode et de l’art qui crée des installations immersives le long de la côte est des États-Unis. Leurs œuvres explorent la rencontre entre la mode, le surf, le basketball, le retail et l’art, et chaque installation sert de toile de fond à leur marque de streetwear et à des projets artistiques collaboratifs.

« Je détestais que les gens me disent que c’était une marque de surf. Ils ne comprenaient pas que nous sommes de New York – l’idée, c’était la rencontre entre le monde du surf et celui de la ville », nous explique Sunshine. Pendant ses années lycée, Sunshine crée son premier logo – un parapluie à l’envers – et convainc un ami de la famille de le laisser utiliser son usine de sérigraphie pour imprimer des t-shirts. S’il donne ses t-shirts à quelques amis et en vend dans un pop-up de surf cet été là, Sunshine n’imagine pas une seconde que son hobby de lycéen va devenir une véritable force créative.

En parlant à Sunshine dans son appartement de Tribeca (situé à deux pas d’un terrain de basket), on comprend vite qu’il n’a aucune envie de proposer une définition claire de New York Sunshine. L’important pour lui n’est pas de réaliser plus de profits ou de vendre des t-shirts, mais de continuer à trouver de nouveaux projets passionnants pour son crew et lui.

New York Sunshine

En plus de Sunshine et son ami – et associé – de longue date, Luke, NYS est composé d’un groupe d’amis qui participent dès que leurs jobs à temps plein le leur permettent : Cory, un peintre et paysagiste ; Henry, un chef ; et le père de Sunshine, un charpentier qui travaille dans le bâtiment.

« Mon père est un vrai artiste qui s’ignore. Sans lui, nous serions incapable de réaliser nos installations », Sunshine nous explique-t-il. L’année dernière, je voulais vraiment réaliser un lookbook sous l’eau et essayais de trouver un moyen de contrôler l’environnement. Je savais – pour avoir essayer de photographier des gens au fond d’une piscine – que la lumière peut poser problème. J’ai donc dit à mon père que je voulais construire une cuve en ciment avec des panneaux de verre pour créer des jeux de lumière et pouvoir photographier sans être dans l’eau. »

Avec près de 1 800 kilos vide, le One Ton Tank est devenu leur terrain de jeu immersif pour photographier leur collection printemps/été 2016 sur des amis et mannequins. À la fin de l’été, le collectif contacte Watermill Center, un espace dédié à l’art collectif à Southampton, pour leur proposer d’installer One Ton Tank sur leur terrain. Ils étaient loin de se douter que le centre préparait justement son gala estival sur le thème de l’eau et du ciment qui allait leur apporter une exposition médiatique sans pareil.

Mais ce n’est pas la première fois que le gang fait parler de lui grâce à ses projets artistiques. L’hiver dernier, leur installation guérilla Hoop Dream guérilla a été l’événement phare de la Art Basel de Miami. « Pour moi, installer ce panier de basket dans l’océan a été l’un de nos meilleurs projets », affirme Sunshine. Conçu par son père et assemblé par Luke dans un club de surf, le panier de basket de 130 kilos a voyagé à l’arrière d’un van noir avant de débarquer sur la plage de South Beach.

Hoop Dreams New York Sunshine

« Il pleuvait ce soir-là, le panier était très lourd et la plage grouillait d’agents de sécurité qui assuraient la protection d’un événement – c’était plutôt intense ! Nous l’avons attaché à des sacs de sable avant de rentrer chez nous, se souvient-il. Le lendemain, j’ai adoré voir les gens interagir avec l’œuvre. Pour moi l’art ne doit pas intimider. »

Même si leur installation n’affichait aucun logo, de nombreuses personnes ont commencé à poster des photos sur Instagram en taguant New York Sunshine. La suite ? Le rêve de Sunshine est devenu réalité quand il a reçu un coup de fil de Nike pour une collaboration.

Ça ne veut pas dire pour autant que le succès a toujours été au rendez-vous pour lui. Sans la moindre expérience dans la mode, son équipe et lui ont dû tout apprendre. « La première fois que je suis entrée chez Colette, à Paris, je me suis dit que j’avais trouvé le paradis du retail. J’ai pensé, si on veut continuer à faire nos t-shirts, c’est là qu’on doit être vendu », explique-t-il. Ils ont donc harcelé l’équipe d’acheteurs de Colette. « Au début, on ne savait même pas qu’il fallait créer un lookbook. On leur envoyait juste des e-mails en mode : regardez ce qu’on fait ! Et puis un jour, ils nous ont renvoyé un bon de commande. Avec le recul, je pense que ça a vraiment été un tournant pour nous. »

High Tide New York Sunshine: Racked Miami

Grâce à leurs nombreuses installations pop-up, l’équipe a appris que l’expérience prend le dessus sur la vente de produits dans les espaces de retail d’aujourd’hui. Leur installation High Tide consistait à construire un mirage en forme de vague à partir d’étagères en bois et à y associer une ligne de t-shirts graphiques. Après avoir testé leur idée à petite échelle dans les Hamptons, ils se sont lancés en très grand pour la Art Basel de Miami de 2015. Si les t-shirts ne se sont pas nécessairement arrachés pour l’occasion, l’installation leur a apporté une immense couverture médiatique et a conduit à une collaboration avec VLONE et Asap Bari l’année suivante.

« C’était vraiment une manière de dire “voilà comment le retail devrait être aujourd’hui“ Tellement de boutiques de grandes marques sont ennuyeuses à mourir. Elles ne changent jamais et offrent la pire expérience d’achat. Très peu de marques proposent de belles collections associées à un bon concept de boutique », explique Sunshine.

« Nous n’avons pas de plan sur le long terme. On veut continuer à rester créatifs et faire des trucs cools. L’idée c’est de développer plusieurs projets et voir ce qui se passe, nous dit-il. Qu’est-ce que je ferais si je n’avais pas New York Sunshine ? Je surferais sûrement plus, avec des voyages au Mexique et des petits boulots pour gagner ma croûte. Ou je travaillerais dans un deli à New York. Ou peut-être que j’aurais trouvé un job chez Nike. »

New York Sunshine


Texte : Lisa Roolant