Comment la France devient végane - Enseignes et facteurs clés

1 mai 2018

Un marché dont la croissance annuelle est de 80% et 3% de Français adeptes qui ne comptent pas pour du beurre: comment le régime végétalien s’impose-t-il au pays du camembert ?

Il y a quelques années, avant de déjeuner chez ma mère un dimanche, j’ai entrepris de lui annoncer que j’étais devenue végétarienne. Elle m’a répondu, un peu contrariée (le boudin dominical est sacré chez nous) :
- « Poulet, ça ira ?
- Euh… C’est à dire que même la viande blanche, je n’en mange plus.
- Quelle tristesse ! Et un bon saumon ?
- Non plus, je ne suis pas piscivore maman, je suis végétarienne. »
Ça aurait pu durer très longtemps si j’avais été végane…

À l’époque, ma mère n’aurait pas cru qu’on puisse, de son plein gré, dire adieu non seulement au tartare, au poulet rôti et à la bouillabaisse, mais aussi au comté, à l’omelette, au croissant et à toutes les spécialités à base d’œufs, lait, miel ou de quoi que ce soit d’animal.

Elle n’était pas la seule. Il n’y a pas si longtemps en France, les végétaliens (qui ne mangent rien d’animal mais portent du cuir ou de la laine, contrairement à un vegan dont l’approche est globale et ne se limite pas à l’alimentation) étaient encore considérés par certains comme d’austères lapins, se nourrissant exclusivement de salade. Alors, comment les produits à base de plantes ont-ils soudain envahi les restaurants, magasins et maisons ?

C’est healthy

A l’ère des scandales alimentaires (viande de cheval, lait et œufs contaminés…) les Français se soucient de plus en plus de ce qu’ils ingèrent. Nous sommes en plus un pays inquiet de sa santé, qui souhaite mieux manger. Cela signifie moins de charcuterie et pâtisseries et plus de fruits et légumes. D’après une étude Ifop/Lesieur pour L’Observatoire des cuisines populaires (OCPop) 4 Français sur 10 ont augmenté leur consommation de produits végétaux qu’ils jugent bénéfiques à leur santé physique et mentale et 50% souhaitent en faire autant.

Cagettes de fruits

En attendant, on compte 3% de végans, 4% de végétariens et 9% de flexitariens qui mangent de la viande occasionnellement. L’aspect brut et non transformé des fruits et légumes est rassurant et associé aux idées de nature et d’éthique, très importantes pour les millenials et la génération Z.

Les commerçants s’adaptent pour répondre à cette nouvelle demande et les rayons des supermarchés consacrés aux produits équitables et bios s’agrandissent avec l’arrivée de gammes à base de plantes. Les magasins biologiques Naturalia, sont passés à la vitesse supérieure en ouvrant trois supermarchés parisiens 100% végans, et Ikea a même décliné ses fameuses boulettes en version végétalienne !

Façade de supermarché vegans Naturalia
© Challenges

C’est respectueux des animaux

L’étude Ifop/Lesieur rapporte que 22% de ceux qui augmentent leur consommation de produits végétaux le font pour ne pas faire souffrir les animaux. Il n’y a pas que la violence des abattoirs qui motive ce choix. Les conditions de vie des bêtes dans les exploitations extensives - notamment les poules pondeuses, agglutinées dans des hangars insalubres et sombres ou les vaches laitières qui meurent précocement, usées par les traites et les inséminations fréquentes - encouragent aussi de nombreuses personnes à abandonner les œufs et le lait.

Fromages vegan Jay & Joy, noix de cajou et pain sur une planche
© Happy Cow

De plus, à une époque où 75% des adultes sont intolérants au lactose, de nombreux médecins soulignent que le lait de vache est fait pour les veaux (qui en sont privés), pas les humains chez qui il peut provoquer des maladies inflammatoires et articulaires car ils ne peuvent pas le métaboliser. En réponse à cela, de nombreux entrepreneurs se lancent dans l’aventure des substituts végétaux aux produits laitiers. Et puisqu’un Français sans fromage c’est comme un été sans soleil, Jay & Joy – atelier de « vromages » à base de noix de cajou – a ouvert dans le 11ème arrondissement parisien, friand de ce genre de concepts.
De même, l’enseigne belge Alpro, rachetée par Danone l’an dernier, propose plus de 20 références de yaourts et laits d’amande, avoine, noix de coco ou soja. Ses ventes ont augmenté de 66% en 2017.

C’est engagé et branché

Femme déguisée avec une pancarte Go Vegan be a hero au salon VeggieWorld
Salon végan bi-annuel VeggieWorld © VeggieWorld

Alpro ne cible pas seulement les végétaliens et mise sur le bas coût et le goût qui restent des barrières à la consommation de ces produits pour de nombreux Français. La marque vient de lancer une campagne de 16 semaines dont le volet digital inclut des collaborations avec des influenceuses. Elles montreront comment elles utilisent ces produits au quotidien, en cuisinant par exemple des lasagnes avec du lait de soja. La marque compte aussi mettre en avant ses emballages recyclables et une collaboration avec l’ONG WWF pour lutter contre le bouleversement climatique.

Car l’alimentation à base de plantes a également des fins écologiques et sociales, si l’on estime qu’il faut 700-1500 litres pour produire un kilo de viande et huit kilos de céréales qui pourraient nourrir directement les gens. Le véganisme est également apparu en réponse à la production de gazs à effet de serre par les bovins et à la déforestation causée par les nitrates et antibiotiques présents dans l’eau des zones d’élevage.

Café Wild & the Moon, tables de bois et plantes suspendus
© Wild & the Moon

Pour toutes ces raisons, l’alimentation végétalienne a le vent en poupe et ceux qui l’adoptent, pour la vie ou juste un repas sont fiers de cet engagement. D’ailleurs #vegan est l’un des hashtags foods les plus utilisés sur Instagram et les restaurants sur ce thème qui fleurissent en France comptent parmi les nouveaux endroits trendy où il faut être vu. Parmi les pionniers à Paris, l’américain Wild & the Moon est centré sur une cuisine crue et healthy, tandis que Hank Burger & Pizza, également présent à Lyon, surfe sur la tendance du fast food végan. Une preuve que les végétaliens ne mangent pas que de la salade !

Hamburger Vegan et frites sur un plateau avec une serviette Hank Burger
© Happy Cow

Par Normandie Wells